« Notre guéguerre nuit au Bénin » : Patrice Talon reconnaît sa rivalité avec Yayi

novembre 5, 2025

Pour la première fois depuis l’annonce de l’exclusion du parti Les Démocrates de la prochaine élection présidentielle, le président béninois Patrice Talon a pris la parole sur la télévision nationale ce mardi 4 novembre 2025. Dans un entretien long et inhabituellement émotif, le chef de l’État a répondu aux accusations de son prédécesseur Boni Yayi, qui l’accuse de mener une « politique d’exclusion systématique de l’opposition ». Talon, visiblement affecté par cette rivalité, a reconnu que leur « querelle personnelle, prolongée depuis plusieurs années, a fini par peser sur la stabilité du pays ». À sept mois de la fin de son mandat, le président béninois, habituellement réservé, a tenu à clarifier sa position et à lancer un appel à la réconciliation.

« Notre guéguerre nuit au Bénin »

D’entrée, Patrice Talon a rejeté catégoriquement les accusations de manipulation politique portées contre lui. « Je n’ai aucun intérêt à marginaliser l’opposition », a-t-il affirmé, ajoutant que « la démocratie béninoise se nourrit du pluralisme et du dialogue ». Selon lui, la non-participation du parti Les Démocrates à la présidentielle d’avril 2026 ne résulte pas d’un complot, mais d’un manque de stratégie du parti. « Les Démocrates pouvaient obtenir les parrainages nécessaires grâce à un partenariat avec la FCBE », a expliqué Talon. « Ils ont choisi de marcher sur le fil du rasoir, et en tombant, ils cherchent encore un bouc émissaire ».

Très attendu sur la question du rejet du binôme du parti d’opposition conduit par Maître Renaud Agbodjo, le président s’est voulu précis : « Si les Démocrates avaient signé avec les FCBE un accord de gouvernance, le binôme aurait été maintenu malgré la défection de l’un des leurs. Le parrainage des FCBE leur aurait garanti une présence à l’élection. Quand on choisit de marcher sur un fil et qu’on tombe, il ne faut pas chercher un bouc émissaire ailleurs ». Le président s’est également défendu de toute manœuvre visant à museler ses adversaires : « On me prête des intentions d’exclusion, mais je ne suis pas ce que mes détracteurs disent. J’ai fait de mon mieux pour ouvrir le dialogue ».

Plus ému qu’à l’accoutumée, Talon a admis que la rivalité avec Boni Yayi « empoisonne le climat social et politique » du pays. Dans un ton à la fois lucide et fatigué, il a lancé un message d’apaisement : « La situation dans laquelle se trouve la dynamique électorale actuelle ne m’enchante pas du tout. Elle porte préjudice à l’image de notre pays ».

Une main tendue à Boni Yayi et un appel à tourner la page

Au fil de l’entretien, Patrice Talon a alterné entre reproches, mea culpa et volonté d’apaisement. Il a reconnu que cette lutte de pouvoir entre lui et son ancien mentor est devenue un frein à la cohésion nationale : « Notre relation nuit au Bénin », a-t-il concédé, avant d’ajouter : « J’espère qu’après notre retrait de la vie politique, nous pourrons siéger ensemble dans un conseil de sages pour réconcilier les Béninois ». Dans un passage remarqué, le président a même ironisé : « Il faudrait une loi constitutionnelle pour interdire à Talon, à Yayi et à Soglo de se représenter, car notre guerre nuit au pays ». Une formule inattendue, presque confessionnelle, qui traduit la lassitude d’un dirigeant conscient des divisions qu’entraîne cette confrontation.

Talon a également ravivé les souvenirs de 2019, une période électorale marquée par des violences post-électorales et l’absence de l’opposition. Pour lui, la responsabilité incombe entièrement à Boni Yayi : « Ce qui s’est passé en 2019, c’est le président Boni Yayi qui en a été le seul responsable. Il a empêché la tenue normale des élections ». Le chef de l’État rappelle qu’un consensus avait été trouvé cette année-là, mais que « le président Yayi a refusé de l’approuver, empêchant sa mise en œuvre ».

Dans un dernier appel à l’unité, Patrice Talon a exhorté les Béninois à dépasser les divisions : « On ne peut pas construire le pays quand on a l’impression qu’il y a une partie du pays contre l’autre ». Plus qu’un simple discours politique, cette sortie publique marque un tournant : pour la première fois, le président se présente moins en stratège qu’en homme d’État inquiet pour l’avenir du pays. À la fois plaidoirie et confession, cette interview signe peut-être le début d’une volonté de réconciliation, dans un Bénin où la tension politique n’a jamais été aussi palpable.

Morgan Dossou

Journaliste passionné depuis une dizaine d'années, je m’intéresse aux grands enjeux de notre époque et à l’évolution du monde contemporain. Mon objectif est de proposer une information claire, fiable et accessible à tous, en mettant en lumière des sujets variés qui nourrissent la réflexion et favorisent une meilleure compréhension de l’actualité.

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