Africa Corps au Mali : Un déploiement sous haute controverse

septembre 26, 2025

Le Mali est devenu, depuis le départ de Wagner, un nouveau laboratoire de la présence militaire russe en Afrique. Depuis le 6 juin, l’Africa Corps, structure directement placée sous la tutelle du ministère russe de la Défense, a officiellement pris le relais. Cent jours plus tard, les premiers bilans dressés révèlent une action marquée par une démonstration de force, des pertes significatives et des accusations de violations graves.

Une relève officielle assumée par Moscou

Dès son arrivée, l’Africa Corps a affiché sa différence avec Wagner. Selon le Timbuktu Institute de Dakar, cette transition traduit « l’abandon du déni plausible entretenu par le statut flou de Wagner » au profit d’une présence « officielle, assumée et structurée ». L’organisation paramilitaire, lancée en décembre 2023, a repris une grande partie des effectifs de Wagner, mais a aussi recruté de nouveaux profils militaires en Russie.

Ces offres d’emploi publiées à Moscou, Saint-Pétersbourg ou Krasnodar ne concernaient pas seulement l’infanterie. Elles visaient aussi des artilleurs, tankistes, sapeurs, spécialistes en défense antiaérienne et en renseignement radio-électronique. Ces choix stratégiques montrent que l’Africa Corps entend agir avec une autonomie opérationnelle complète.

Des matériels lourds et des combats meurtriers

Le déploiement de l’Africa Corps au Mali s’est accompagné d’un matériel imposant : chars T-72, blindés BTR-82 et BMP-3, ainsi que des lance-roquettes BM-21 Grad. Une vidéo publiée le 1er juillet montrait un BMP-3 dans la région de Ségou. Ce matériel, acheminé par le port libyen de Tobrouk avec le soutien du maréchal Haftar, semble destiné avant tout à protéger les régimes alliés et à prévenir les coups d’État.

Sur le terrain, les pertes ont été lourdes. Le 13 juin, une embuscade dans la région de Kidal a coûté la vie à environ 45 combattants russo-maliens et détruit 21 véhicules. Le lendemain, un bombardier Soukhoï Su-24 a été abattu par le Front de libération de l’Azawad (FLA). Le 20 août, ce même groupe a revendiqué une attaque de drones à Tessalit contre les forces maliennes et russes. En tout, une vingtaine d’attaques a été recensée depuis l’arrivée du corps paramilitaire.

Des exactions présumées et une guerre de communication

Comme Wagner avant lui, l’Africa Corps fait face à de graves accusations. L’organisation Acled a recensé des atrocités présumées commises à Kidal entre le 25 et le 26 juin : des civils auraient été « exécutés, brûlés vifs ou jetés dans des puits ». Pour le seul mois d’août, 91 événements violents sont répertoriés au Mali. Ces abus renforcent le soutien aux groupes armés locaux, qui bénéficient de l’appui de nouvelles tactiques comme l’usage de drones à fibre optique, probablement fournis par des alliés extérieurs.

Dans le même temps, l’Africa Corps soigne son image. Ses canaux officiels diffusent régulièrement des vidéos et des photos de ses soldats équipés, avec une esthétique maîtrisée. Comme le souligne le journaliste Dimitri Zufferey, cette communication « ressemble davantage à des communiqués officiels », en rupture avec le style plus opaque de Wagner. À travers des relais comme l’agence African Initiative et des ONG liées à Moscou, la Russie développe parallèlement son soft power.

En un peu plus de trois mois, l’Africa Corps s’est imposé comme un acteur central au Mali. Mais derrière la façade officielle et la communication léchée, le terrain renvoie une image contrastée : combats meurtriers, accusations d’exactions et incapacité à stabiliser durablement le pays. Si la Russie a choisi d’assumer ouvertement son rôle, la poursuite de cette stratégie pourrait renforcer à la fois son influence régionale et les résistances locales. Le Sahel reste plus que jamais au cœur d’une bataille militaire et symbolique.

Morgan Dossou

Journaliste passionné depuis une dizaine d'années, je m’intéresse aux grands enjeux de notre époque et à l’évolution du monde contemporain. Mon objectif est de proposer une information claire, fiable et accessible à tous, en mettant en lumière des sujets variés qui nourrissent la réflexion et favorisent une meilleure compréhension de l’actualité.

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