Le Burkina arrête deux Français pour espionnage sous couverture humanitaire

octobre 8, 2025

Au Burkina Faso, huit membres d’une ONG, dont plusieurs Européens, sont accusés d’espionnage. Dans un climat de défiance envers les puissances étrangères, ce nouvel épisode marque une escalade dans les tensions diplomatiques avec la France. Le gouvernement militaire resserre son contrôle sur les acteurs internationaux présents sur son sol.

Arrestations ciblées et accusations de collecte d’informations sensibles

Le gouvernement burkinabè a annoncé mardi 7 octobre l’arrestation de huit individus affiliés à l’ONG INSO (International NGO Safety Organisation), dont quatre ressortissants étrangers. Les profils des personnes arrêtées ont été rapidement précisés : le directeur pays de l’organisation, un ressortissant français, son adjointe franco-sénégalaise, ainsi que le directeur général adjoint, de nationalité tchèque. À leurs côtés figurent un Malien et quatre citoyens burkinabè.

Le ministère de la Sécurité du Burkina Faso accuse ces personnes d’avoir poursuivi clandestinement leurs activités malgré la suspension de l’ONG décrétée le 31 juillet 2025. Les autorités reprochent à INSO d’avoir mené des collectes de données « sensibles » sans autorisation, susceptibles selon elles de porter atteinte à la sûreté de l’État.

Selon le communiqué officiel, ces membres auraient participé à des réunions discrètes et tenté de contourner les interdictions administratives. Le pouvoir militaire dénonce des pratiques d’« infiltration déguisée » à travers des structures humanitaires, mettant en garde contre des manœuvres d’influence étrangère sous couvert de coopération.

Une crise diplomatique latente entre Ouagadougou et Paris

L’affaire INSO s’inscrit dans un contexte de relations particulièrement dégradées entre le Burkina Faso et la France. Depuis l’arrivée au pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré en septembre 2022, la junte a multiplié les gestes de rupture avec ses anciens partenaires occidentaux. La dénonciation des accords militaires, l’expulsion de diplomates français, et désormais l’incarcération de ressortissants européens, traduisent un changement profond de posture vis-à-vis des ONG et des représentations étrangères.

L’organisation INSO, qui fournit des analyses sécuritaires à d’autres ONG opérant en zones à risques, est désormais perçue par les autorités burkinabè comme une structure suspecte. L’accusation d’espionnage, rarement formulée publiquement contre des humanitaires, marque une étape supplémentaire dans la volonté du régime de contrôler l’espace informationnel national.

Cette stratégie s’inscrit dans une logique de recentrage sur la souveraineté étatique et la méfiance à l’égard des puissances occidentales, notamment dans le contexte sahélien, où les partenariats militaires et civils sont de plus en plus remis en cause par les régimes de transition.

Les autorités burkinabè affirment agir dans le cadre légal national et défendent leur droit à protéger leur territoire contre toute forme d’ingérence. Du côté des chancelleries européennes, les réactions se font discrètes mais préoccupées, compte tenu des conséquences potentielles sur les coopérations humanitaires et diplomatiques dans la région.

Ce nouvel épisode souligne un tournant sécuritaire et diplomatique au Burkina Faso. Alors que le pays tente de se détacher des influences occidentales, les ONG internationales doivent désormais composer avec une ligne gouvernementale de plus en plus fermée et méfiante. L’affaire INSO pourrait devenir un cas d’école dans la redéfinition des partenariats humanitaires en zone instable.

Morgan Dossou

Journaliste passionné depuis une dizaine d'années, je m’intéresse aux grands enjeux de notre époque et à l’évolution du monde contemporain. Mon objectif est de proposer une information claire, fiable et accessible à tous, en mettant en lumière des sujets variés qui nourrissent la réflexion et favorisent une meilleure compréhension de l’actualité.

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