Afrique de l’Ouest : Le commerce réel de denrées serait six fois plus élevé que les chiffres officiels (OCDE)

septembre 24, 2025

Derrière les chiffres officiels se cache une réalité beaucoup plus vaste. Une récente étude de l’OCDE montre que les échanges alimentaires en Afrique de l’Ouest atteignent en réalité près de 10 milliards de dollars par an, soit six fois plus que les données publiées par les États. Cette réévaluation interpelle, car elle bouleverse la perception de l’intégration économique régionale et soulève des questions cruciales pour la sécurité alimentaire.

Des flux invisibles, mais décisifs

Selon les statistiques officielles, le commerce alimentaire intrarégional ne dépasserait pas 1,7 milliard de dollars. Mais la compilation de plusieurs bases de données par l’OCDE, incluant notamment des études nationales et le travail du Comité inter-État de lutte contre la sécheresse au Sahel, montre un volume réel d’au moins 10 milliards.

Pour les observateurs de terrain, cette différence ne surprend pas. « Dans les marchés, nous savons que ces produits circulent. Mais connaître les tonnages exacts reste presque impossible », explique Mouhamadou Ndiaye, coordinateur du Réseau des systèmes d’information des marchés en Afrique de l’Ouest. Les flux non enregistrés concernent autant les céréales locales que les tubercules, souvent absents des statistiques officielles.

Une nouvelle hiérarchie des échanges

L’étude modifie profondément la lecture des dynamiques régionales. Le Nigéria, officiellement huitième importateur, grimpe à la première place une fois intégrés les échanges informels. « Cela donne une idée de combien les données sont faussées », souligne Alban Mas Aparisi, économiste au Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest de l’OCDE.

Cette correction révèle une diversité de produits beaucoup plus large qu’on ne l’imaginait, et surtout des flux qui ne se limitent pas aux pays voisins, mais concernent l’ensemble de la Cédéao. Pour les décideurs publics comme pour les acteurs privés, cette méconnaissance structurelle crée un angle mort, car elle limite la capacité à identifier les véritables opportunités économiques et à orienter efficacement les politiques d’exportation.

Ces résultats invitent à reconsidérer la gouvernance du commerce régional. Les interdictions d’exportation, encore fréquentes, sont jugées contre-productives par l’OCDE, car elles fragilisent la production locale et réduisent la diversité sur les marchés. La conséquence directe est une hausse des prix et une baisse de la résilience alimentaire. À long terme, disposer de données fiables apparaît comme une condition essentielle pour consolider l’intégration économique de l’Afrique de l’Ouest. En révélant l’ampleur réelle des échanges, l’étude de l’OCDE ouvre un débat incontournable : comment transformer ce potentiel invisible en levier pour la sécurité et la prospérité régionales ?

Morgan Dossou

Journaliste passionné depuis une dizaine d'années, je m’intéresse aux grands enjeux de notre époque et à l’évolution du monde contemporain. Mon objectif est de proposer une information claire, fiable et accessible à tous, en mettant en lumière des sujets variés qui nourrissent la réflexion et favorisent une meilleure compréhension de l’actualité.

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